Kevan est assis dans son fauteuil roulant, à l’intérieur de son café préféré. Sur la photo, on le voit sourire, entouré de tables en bois sur lesquelles sont disposées des fleurs; l’éclairage est chaleureux.
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Kevan

Déboulonner les mythes au sujet de la vie sociale des personnes handicapées

Quand je ne suis pas en voyage, je passe le plus clair de mon temps au café de mon quartier, au centre-ville de Fort Wayne, dans l’Indiana. S’il est parfois plein à craquer, il arrive aussi que je sois seul avec les baristas. Au cours des six dernières années, j’y ai rencontré des écrivains et des artistes, des avocats, des prêtres, de grands financiers, des politiciens et des groupes en tournée dont les membres n’avaient pas pris de douche depuis trois semaines. J’y ai aussi fait la rencontre d’étudiants d’université, de sans-abri, de livreurs, de cols bleus et de gens faisant du neuf à cinq.

« Eux, c’est ce bon vieux Kevan qu’ils rencontrent, celui qui vit avec l’AS et a un appétit insatiable pour la compagnie des autres. »

Je suis en mesure d’observer de près la façon dont on réagit à ma présence dans un contexte social, ainsi que mes propres réflexes; je suis le témoin privilégié des nombreux mythes entourant la vie sociale des personnes handicapées, d’un point de vue externe comme interne; et j’ai l’immense tâche, mais aussi l’immense joie, de déboulonner ces mythes. J’aimerais en examiner deux de plus près dans cet article et expliquer qu’ils naissent des attentes de nos deux communautés – celle des personnes valides et celle des personnes handicapées – et que, par conséquent, il s’agit d’une responsabilité partagée.

En effet, les expériences sociales riches découlent d’un équilibre entre vulnérabilité et conscience. Certains de vos amis seront plus proches de vous que d’autres, certains vous procureront d’autres formes de soutien, et certains ne vous apporteront aucune aide physique; c’est tout à fait bien ainsi. Exprimez vos besoins avec délicatesse et sensibilité à mesure qu’ils se manifestent, en fonction de la volonté de ceux qui vous entourent (la qualification fait l’objet d’un autre mythe, que nous verrons un peu plus tard).

  1. « Tous mes amis ont le devoir de m’aider. » Il peut être compliqué de vivre avec une invalidité; nous avons des besoins extrêmement concrets, et ces besoins doivent être comblés. C’est la vie. Nous sommes d’ailleurs tellement habitués à ces besoins que trouver des façons d’y répondre est presque devenu une seconde nature. Par conséquent, cela devrait aussi être une seconde nature chez tous nos amis, non? L’un des mythes que partagent bien des personnes invalides est que tout le monde dans leur vie devrait contribuer à combler ces besoins. C’est quelque chose que je comprends tout à fait; pour nous, c’est un fait du quotidien. C’est mon quotidien. Les personnes valides, elles aussi, ont ce préjugé et finissent bien souvent par fuir, effrayées par ce qu’elles perçoivent comme une montagne d’attentes à leur égard. Peut-on vraiment leur en vouloir?
  2. « Aucun de mes amis ne devrait m’aider. » Ce mythe a aussi son opposé : présumer que personne ne peut nous aider, ne devrait nous aider, ou ne veut nous aider. Soins personnels, préparation des repas, portes et manteaux : cela fait partie des responsabilités des infirmiers ou des parents. Les amis sont des amis; s’ils sont là, c’est pour discuter en riant ou pour regarder un film. Mais ce mythe est trop triste pour qu’on le laisse guider sa vie. Et lorsque vous êtes dans cet état d’esprit, personne ne connaît vos besoins; les autres présument alors que leur aide n’est pas requise. La relation restera superficielle, stagnante et insatisfaisante pour tous.

« La clé est de voir les autres – vraiment les voir – et d’approfondir vos relations. Qu’elles aillent plus loin que la volonté d’un ami à replacer votre caleçon. »